Aller au contenu

Page:Beckford - Vathek 1787 Paris.djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
92
VATHEK,

soirée est bien lugubre. En disant ces mots, il avoit pris Nouronihar par la main, & l’entraînoit de toutes ses forces. Celle-ci le suivit sans savoir ce qu’elle faisoit. Mille idées étranges rouloient dans son esprit. Elle passa un grand rond de chevre-feuille qu’elle aimoit beaucoup, sans y faire aucune attention ; Gulchenrouz seul, quoiqu’il couroit comme si une bête sauvage étoit à ses trousses, ne put s’empêcher d’en arracher quelques tiges.

Les jeunes filles les voyant venir si vîte, crurent que, selon leur coutume, ils vouloient danser. Aussi-tôt elles s’assemblèrent en cercle & se prirent par la main ; mais Gulchenrouz, hors d’haleine, se laissa aller sur la mousse. Alors, la consternation se répandit parmi cette troupe folâtre ; Nouronihar, presque hors d’elle-même, & aussi fatiguée du tumulte de ses pensées, que de la course qu’elle venoit de faire, se jetta sur lui. Elle prit ses petites mains glacées, les réchauffa dans son sein, & frotta ses tempes d’une pommade odoriférante. Enfin, il revint à lui, & s’enveloppant la tête dans la robe de Nouronihar, la supplia de ne pas retourner encore au harem. Il craignoit d’être grondé par Shaban, son gouverneur, vieil eunuque ridé & qui n’étoit