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Page:Beckford - Vathek 1787 Paris.djvu/71

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CONTE ARABE.

l’huile & allumées au bout de longues perches, jettoient tant d’éclat que les rochers paroissoient éclairés comme en plein jour. L’air étoit rempli de tourbillons d’étincelles, & le vent les chassant par-tout, le feu prit à la fougère & aux brousailles. Dans peu, l’incendie fit des progrès rapides ; on vit ramper de toutes parts des serpens au désespoir & qui abandonnoient leur demeure avec des sifflemens effroyables. Les chevaux, le nez au vent, hennissoient, battoient du pied, & ruoient sans quartier.

Une des forêts de cèdre qu’on côtoyoit alors s’embrasa, & les branches qui pendoient sur le chemin communiquèrent les flammes aux fines mousselines & aux belles toiles qui couvroient les cages des dames, & elles furent obligées d’en sortir, au hasard de se rompre le col. Vathek, vomissant mille blasphèmes, fut forcé tout comme les autres de mettre ses pieds sacrés à terre.

Jamais rien de pareil n’étoit arrivé : les dames qui ne savoient pas se tirer d’affaire, tomboient dans la fange, pleines de dépit, de honte & de rage. Moi, marcher ! disoit l’une ; moi, mouiller mes pieds ! disoit l’autre ; moi, salir mes robes ! s’écrioit une troisième : exécrable Bababalouk ! disoient-elles toutes à la fois, ordure d’enfer !