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Page:Beckford - Vathek 1787 Paris.djvu/74

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VATHEK,

ramena son appétit accoutumé ; il demanda à manger : mais, hélas ! ces pains délicats qu’on cuisoit dans des fours d’argent34 pour sa bouche royale, ces gâteaux friands, ces confitures ambrées, ces flacons de vin de Shiraz, ces porcelaines remplies de neige35, ces excellens raisins qui croissent sur les bords du Tygre ; tout avoit disparu ! Bababalouk n’avoit à offrir qu’un gros loup rôti, des vautours à la daube, des herbes amères, des champignons vénéneux, des chardons & des racines de mandragore qui ulcéroient la gorge & mettoient la langue en pièces. Pour toutes liqueurs, il ne possédoit que quelques phioles de méchante eau-de-vie, que les marmitons avoient cachées dans leurs pabouches. On conçoit qu’un repas aussi détestable dut mettre Vathek au désespoir ; il se bouchoit le nez & mâchoit avec des grimaces affreuses. Cependant, il ne mangea pas mal, & s’endormit pour mieux digérer.

Pendant ce tems tous les nuages avoient disparu de dessus l’horison. Le soleil étoit ardent, & ses rayons, réfléchis par les rochers, rôtissoient le Calife, malgré les rideaux qui l’enveloppoient. Un essaim de moucherons puans & couleur d’absynthe, le piquoient jusqu’au sang.