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Page:Beckford - Vathek 1787 Paris.djvu/95

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CONTE ARABE.

d’un de ces beaux papillons azurés de Cachemire, si rares & si semillans.

Vathek, non content de voir Nouronihar, vouloit aussi l’entendre, & prêtoit avidement l’oreille pour distinguer ses accens. Enfin il entendit qu’elle disoit à une de ses compagnes, en chuchotant derrière le petit buisson d’où elle avoit jetté le bouquet ; il faut avouer qu’un Calife est une belle chose à voir : mais mon petit Gulchenrouz est bien plus aimable ; une tresse de sa douce chevelure vaut mieux que toute la riche broderie des Indes ; j’aime mieux que ses dents me serrent malicieusement le doigt que la plus belle bague du trésor impérial. Où l’as-tu laissé, Sutlemémé ? Pourquoi n’est-il pas ici ?

Le Calife inquiet auroit bien voulu en entendre davantage ; mais elle s’éloigna avec toutes ses esclaves. L’amoureux Monarque la suivit des yeux jusqu’à ce qu’il l’eût perdue de vue, & demeura tel qu’un voyageur égaré pendant la nuit, à qui les nuages dérobent la constellation qui le dirige. Un rideau de ténèbres sembloit s’être abaissé devant lui ; tout lui paroissoit décoloré, tout avoit pour lui changé de face. Le bruit du ruisseau portoit la mélancolie dans son ame, & ses larmes tomboient sur les jasmins qu’il avoit