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Page:Beckford - Vathek 1787 Paris.djvu/97

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CONTE ARABE.

Gulchenrouz savoit écrire en différens caractères avec une précision merveilleuse, & peignoit sur le vélin les plus jolis arabesques du monde. Sa voix étoit douce, & il l’accordoit avec le luth de la manière la plus attendrissante. Quand il chantoit les amours de Meignoun & de Leilah53, ou de quelqu’autres amans infortunés de ces siècles antiques, les larmes baignoient les yeux de ses auditeurs. Ses vers (car comme Meignoun il étoit poëte) inspiroient une langueur & une mollesse bien dangereuses pour les femmes. Toutes l’aimoient à la folie ; & quoiqu’il eût treize ans, on n’avoit pas encore pu l’arracher du harem. Sa danse étoit légère comme celle de ces duvets que font voltiger dans l’air les zéphirs du printems. Mais ses bras qui s’entrelaçoient si gracieusement avec ceux des jeunes filles, lorsqu’il dansoit, ne pouvoient pas lancer les dards à la chasse, ni dompter les chevaux fougueux que son oncle nourrissoit dans ses pâturages. Il tiroit pourtant de l’arc d’une main sûre, & il auroit dévancé tous les jeunes gens à la course, si on avoit osé rompre les liens de soie qui l’attachoient à Nouronihar.

Les deux frères avoient mutuellement engagé leurs enfans l’un à l’autre, & Nouronihar aimoit