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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/101

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Tous ces navires étaient armés en guerre, suivant leurs forces respectives, et pourvus des meilleures provisions pour un an. Leur équipement était tel, que l’Amiral, comme on l’a vu, les jugeait « très convenables pour une telle entreprise ». Un seul, au dernier moment, lui avait inspiré des inquiétudes, qui se justifièrent dès le troisième jour de la navigation.

Le 6 août, en effet, et lorsqu’on était déjà à plus de soixante lieues de Palos, le gouvernail de la Pinta se trouva démis, par une forte houle, et plutôt encore par la faute des armateurs de ce navire : ils espéraient par cet accident ménagé à l’avance, se voir dispensés de poursuivre une expédition qui, après les avoir séduits, ne leur inspirait que des craintes.

Cette avarie, dont l’Amiral suspecta justement la cause, ne fit que le contraindre de relâcher aux Canaries, où il aborda promptement, en suivant une estime diamétralement opposée à celle des meilleurs marins de la flotte.

Ce premier gage de supériorité, si utile pour établir son ascendant, ne balançait pas, néanmoins, l’inconvénient d’une relâche qui devait durer près d’un mois, et l’exposait aux plus graves périls. Elle donna au roi de Portugal le temps d’expédier trois caravelles, chargées de mettre obstacle, à tout prix, et au besoin par la violence, à une entreprise dont Colomb lui avait tour à tour offert et refusé l’honneur, comme nous l’avons rapporté plus haut.

Cette nouvelle trahison d’un prince qu’il avait trop bien su juger fut révélés à Colomb par une de ces rencontres, si fréquentes dans sa carrière, et où il ne cessa de reconnaître un signe manifeste de la protection du ciel.