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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/148

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les plus graves : ses forces, déjà si restreintes, s’étaient tout à coup trouvées réduites de plus d’un tiers ; la plus forte des caravelles, après la sienne, celle que commandait Alonzo Pinzon, la Pinta, avait disparu, et aux alarmes qu’il en avait d’abord conçues, avait dû bientôt succéder la pénible certitude d’une désertion.

Ce Pinzon, qui, aux termes des indulgents Mémoires de Colomb, « lui avait déjà fait bien d’autres choses », depuis l’expédition commencée, ce cupide et envieux Pinzon, sur la foi de renseignements trop négligés, peut-être, par l’Amiral, avait résolu de chercher le pays de l’or au nord-ouest, comme en effet il s’y trouvait, et de se réserver à lui seul les profits et l’honneur d’une découverte qui eût éclipsé toutes les autres.

Colomb l’avait quelque temps attendu et même fait chercher, pour la forme, mais bientôt, sans laisser voir qu’il crût à une défection, que chacun tenait pour certaine, il avait poursuivi son œuvre avec la liberté d’esprit d’un homme supérieur à tout événement. Il sentait, il savait qu’aucune trahison, pas plus celle d’un Pinzon que toutes les trames d’un roi de Portugal, ne prévaudrait, jusqu’à une certaine heure, contre la puissance qui l’assistait.

Alonzo Pinzon, en effet, après avoir été successivement pour Colomb un patron jaloux et un inférieur sourdement hostile, devait payer chèrement son premier acte d’insubordination ouverte. Cet homme, qui s’était cru, par ses talents et plus encore par sa richesse, au-dessus de l’obéissance, ne devait recueillir aucun fruit de sa rébellion. Il lui était réservé, à lui Espagnol, à lui un des puissants, un des ricos hombres de l’Andalousie, de subir, non plus seulement l’ascendant d’un homme de génie, mais la clémence du