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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/192

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c’était le chant du cygne de la chevalerie chrétienne, l’ère du Dante close par Christophe Colomb. Encore un peu de temps, et ni l’un ni l’autre de ces deux fraternels génies ne sera plus compris, même des siens.

Et en cela on verra une fuis de plus à quel point les règles de l’art sont en quelque sorte calquées sur les voies de la Providence. S’il se rencontre jamais un poète, une langue, des circonstances, un auditoire dignes de produire et d’entendre un poème sur Christophe Colomb, on en trouvera le plan tout tracé dans la vie que Dieu lui a faite avec ce même art qui a fait le monde.

Quelle grandeur et quelle suite dans l’idée ! quel ordre dans la marche des faits ! quelle unité dans le caractère du héros ! quelle harmonie dans tout l’ensemble, et que de variété dans les détails ! Enfin, quel art, si l’on ose s’exprimer ainsi, dans la disposition des contrastes !

Pendant quelques mois encore tout réussira à l’homme du jour : admiré, adoré de toute l’Espagne, de toute l’Europe ; chanté même par les Maures, en Afrique ; salué, dans tout l’éclat de son triomphe, par les ambassadeurs de ce même sénat de Gênes qui l’avait traité de si haut ; consulté, conseillé, béni par la cour de Rome qui, elle du moins, ne l’abandonnera jamais ; il se montrera aussi affable dans le succès qu’on l’a vu fier et résolu dans la disgrâce, et charmera la terre et le ciel par sa modestie.

Sans cesse appelé auprès de la reine, il la verra écouter avidement ses récits, entrer dans ses projets, souscrire à ses plans, en presser l’exécution, y veiller elle-même.

Au lieu des trois caravelles et des quelques hommes de mauvaise