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Page:Belon - L’histoire naturelle des estranges poissons marins.djvu/45

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XXXV.

Que nature n’ha permis aus Daulphins de prendre librement les autres poissons, s’ils ne sont tournez a la renverse.

QUand les Daulphins poursuyvent les autres petits poissons pres du rivage, il est moult facile de les veoir pescher. Car en prenant le poisson pour le manger, il est necessaire qu’ils se rẽversent, & a lors leur ventre apparoist blanc a ceuls qui les regardẽt, lesquels on peult veoir clairement. Car le Daulphin estant de si grosse corpulẽce qu’õ le peult veoir de biẽ loĩg, & que apres qu’õ l’a veu se lãcer hors l’eaue pour prẽdre l’air, puis rẽtrer en la mer, le Daulphin qui au paravant apparoissoit noir, se tourne incontinẽt en blancheur : mais celle blancheur provient de son vẽtre, lequel on peult biẽ veoir des navires iusques la bas au parfõd de la mer. Et mesmemẽt il ne se pourroit repaistre, s’il ne se renversoit dess l’eschine, qui est une note que Aristote ha expressement escripte au huictiesme livre de l’histoire, & au quatriesme des parties des animauls. Et pour parler au vray de ce renversement du Daulphin, apres y avoir regardé expressement, y cherchant quelque raison, observant toutes choses : ie voy touts les autres animauls non pas seulement les terrestres, mais aussi les poissons, avoir une grande espace & cavité en leurs gueulles, que ie n’ay point trouvee es Daulphins : veu mesmement que les muscles qu’ils ont par dedens le palais en la bouche, & par la force desquels est fermé & ouvert le conduict de la fistule qu’il ha sur sa teste, ne luy permettẽt a cause de leur grosseur, avoir le palais cavé ou vouté : desquels ie parleray plus amplemẽt au secõd livre en l’interieure anatomie. Mais pource qu’il m’a semblé que ceste merque appartenoit en ce lieu, ie l’ay bien voulu amener, pour la difficulté de la leçon qui est en Pline & Aristote. Et me semble qu’il n’y auroit aucune difficulté es mots de Pline parlant ainsi du Daulphĩ, Velocissimum omnium animalium, non solum marinorum, est Delphinus, sed ocyor volucre, acrior telo, ac nisi multum infra rostrum os illi foret, medio pæne in ventre, nullus piscium celeritatem eius evaderet, sed adfert moram providentia naturæ, quia nisi resupini, atque conversi, non corripiunt : pourveu qu’on entẽdist bien ce qu’il veult dire par ces parolles, car quand il dit,