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Page:Beltjens - À Beethoven, 1880.djvu/11

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Ont fait, à ses débuts, choir avec des huées
Son jeune esprit prenant son vol vers les nuées ?
L’a-t-il, comme un Sisyphe, ardent à s’approcher
Des fiers sommets de l’Art, vu rouler son rocher,
Dévorant en secret la plus sombre torture
Que puisse à l’être humain infliger la nature ?
A-t-il, pendant les nuits de décembre, assisté
Aux lamentations de son cœur attristé,
Quand plus rien désormais ne pouvait sur la terre
Consoler l’abandon de ce grand solitaire ?
— Regardez cette bouche, aujourd’hui dans l’or fin
Savourant l’ambroisie et le nectar sans fin ;
Sur ce coin ironique où la lèvre se plisse
On lit le souvenir enfiellé du calice ;
Ces yeux d’aigle ont pleuré, consternés par l’affront,
Les pleurs du désespoir, et sur ce noble front,
Sous le laurier vainqueur du vol et des rapines,
On pourrait retrouver la trace des épines !

Ô malheur ! Jusqu’au fond noir poison consommé !
Dans le martyrologe ô supplice innommé !
Hideux raffinement du sort, rançon fatale
À faire frissonner Ixion et Tantale !
Dans l’empire des Sons ce maître illimité
Fut en son plein Zénith frappé de surdité !…
— Est-ce qu’on s’imagine, ô tourment exécrable,
Entre son œuvre et lui ce mur inexorable ?