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Page:Benjamin - Grandgoujon, 1919.djvu/162

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GRANDGOUJON

la voie, et, plus loin, avec des soldats boulangers, vautrés sur un remblai.

Le territorial lui dit :

— T’as-t-il un filon, toi ? Moi, vieux, j’ai un filon : y a pas longtemps, mais c’t un filon ! J’étais dans la mélasse, et ils m’en ont tiré rapport à quatre enfants.

— Aussi, dit Grandgoujon, quatre enfants…

— Mais j’les ai pas, dit le territorial.

— Combien en as-tu ?

— Pas le quart d’un, dit le territorial, et j’leur z’y ait dit, mais ils m’ont répondu d’la fermer. Alors j’ai pus bronché et j’ai l’filon.

— C’est prodigieux ! dit Grandgoujon.

— Et toi, t’en as ? dit le territorial.

— Des enfants ? Pas plus que toi.

— Alors, ils vont p’t’êt’e aussi t’coller une sinécure, conclut le territorial.

Un quart d’heure plus tard, conversation avec les boulangers.

— Vous êtes bien, ici, les gars ?

— On va pas y rester. Les vieilles classes sont relevées du front. Or il paraît qu’ici c’est l’front. Ici on est du patelin, on a sa famille. Dans trois jours, pour nous faire plaisir, ils nous foutent en Normandie, où s’qu’on n’a ni bourgeoises, ni loupiots, ni chez soi.

— Pas possible ? dit Grandgoujon.

Toutes ses croyances sur l’ordre social, le gouvernement, la conduite de la guerre, crevaient comme des ballons d’enfant. Le train l’emmena.

Au Bourget, il trouva un officier du génie, qui