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Page:Benjamin - Grandgoujon, 1919.djvu/194

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GRANDGOUJON

Un homme qui a quatre fils tués reste tolérant ; un homme qui a trois filles vivantes devient anthropophage… Or, moi je veux les trois filles de ce crétin ! Elles sont au pays, je suis du pays… Dépêchons !

Et pour les rattraper, il s’élança, oubliant qu’en principe il boitait. Puis il songea qu’il lui fallait une allure attendrissante, et il reboita.

— Tu m’as l’air bien flambant, murmura Grandgoujon dont la mauvaise humeur était déroutée et désarmée.

Il suivait, et il en profita pour dire :

— Aurais-tu revu… Madame des Sablons ?

— Je ne la quitte plus ! lança Moquerard.

Il s’arrêta net, et saisit sa cuisse à deux mains :

— Carne de jambe ! Elle ne veut pas marcher !… Pendant ce temps le vieillard fuit avec sa progéniture ! Mais je n’en veux plus : ça m’est égal. Lui crèvera de peur, avant la nuit ?

Il fit demi-tour.

— Alors ?… grommela Grandgoujon.

Il se forçait :

— Alors ?… Madame des Sablons va bien ?

Moquerard répliqua :

— Elle a des seins admirables !

Grandgoujon resta pétrifié.

— Hein ?

— Et un ventre de femme grecque !

Ils étaient devant le Concert des Zigomars.

— Mais… alors ? balbutia Grandgoujon qui s’empourprait.

— Alors, reprit Moquerard, tirant sa montre, il