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Page:Benjamin - Grandgoujon, 1919.djvu/244

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GRANDGOUJON

Et lui, le réaliste, pensait à son adoption prochaine. Enfin, il se voyait un rôle en temps de guerre, et il avait un fourmillement de générosité. Mais Colomb continua sentencieusement :

— Madame, nous aurons la victoire, la grande !

— Et la guerre sera, je crois, terminée à l’automne, dit Madame Grandgoujon.

— Je ne sais ce qu’en pense Punais, dit Colomb. Si nous grimpions chez lui ?

Grandgoujon répliqua joyeusement :

— Sa femme est-elle là ?

Sa mère dit :

— Mais oui, elle doit être là ! Monte donc ! Ah ! il a repris sa bonne figure, que j’aime tant ! Monsieur Colomb, avant cette horrible guerre, nous avions une vie admirable. Il était toujours gai ; moi j’étais encore jeune. Maintenant… il grogne souvent, et moi je me sens si lasse !

— Madame, dit Colomb, nous vieillissons, mais la France reste jeune !

— C’est vrai… Ah ! cher Monsieur, soyez mon interprète auprès de Monsieur des Sablons, et dites lui encore comme j’ai été charmée de l’entendre.

— Pourquoi ne pas me donner cette commission à moi ? fit Grandgoujon.

Il était souriant, presque léger. Il se voyait à la tête de toute une œuvre d’enfants rapatriés, et… comme récompense l’ami bienheureux de sa voisine élégante.

Mais ils montèrent et furent déçus : Madame était partie pour sa cantine de La Chapelle. L’orateur seul était là, en uniforme anglo-belge. Encore