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Page:Benjamin - Grandgoujon, 1919.djvu/263

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GRANDGOUJON

de l’Odéon ». Madame Grandgoujon se composa une figure aimable et s’effaça : la jeune personne s’assit. Alors, Moquerard de taper du pied, de postillonner, de déclarer « que ce spectacle clownesque était le plus beau que l’on pût voir en France ! »

— Je suis de ton avis, dit Grandgoujon nerveusement, ça vaut deux sous de confiture !

— Des gens comme ceux-là, affirma Moquerard, devraient être célèbres par tout le pays ! On porte aux nues des Gagadémiciens en enfance, et on ne sait pas comment s’appelle cet homme sublime, dont la bêtise résume quatre-vingt-dix-neuf pour cent de l’humanité !

Depuis que Moquerard était là, Madame Grandgoujon, toujours prête à suivre et à écouter le plus bruyant, buvait les paroles de Moquerard, ses yeux riaient, et ses lèvres avaient un frémissement, quand elle se répétait les phrases de cet excentrique. Mais un nouveau clown pénétrait sur la piste, figure blafarde et culotte écarlate : sa vue anima la salle.

— A-t-il l’air stupide ! Est-il assez beau ? dit Moquerard qui, dans ses transports, faisait des globes de salive.

— Il n’aura pas volé ses cent sous, affirma Grandgoujon.

Et sa mère eut un éclat de plaisir, tandis que Mademoiselle Dieulafet, de l’Odéon, faisait entendre un rire égrillard.

— C’est mieux que les cours de la Sorbonne ! déclara Moquerard.