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Page:Benjamin - Grandgoujon, 1919.djvu/270

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GRANDGOUJON

avoir repris connaissance. Durant ces trois jours régna le plus affreux désordre, tant dans la maison que dans les cervelles qui, autour de ce lit d’agonisante, essayaient d’inventer quelque remède.

Madame des Sablons, son mari après elle, étaient descendus ; ils avaient trouvé des paroles affectueuses ; et Grandgoujon, malgré sa douleur, s’aperçut combien la pitié ajoutait encore de charme à cette créature charmante. Elle s’offrit à aider, à veiller. Grandgoujon dut faire effort pour refuser. Il se disait :

— Ce serait un bonheur… dans le malheur… d’avoir une femme… aussi exquise.

Monsieur Punais soupirait doucement :

— Pauvre ami, que le sort est bizarre ! Vous allez au front et revenez indemne. Madame Grandgoujon va au cirque : on la rapporte mourante.

Grandgoujon répondit d’une voix qui tremblait :

— Ah ! cette guerre, Monsieur Punais !… Car ma mère en est une victime indirecte : ses premiers étourdissements datent de la mobilisation !

Madame Grandgoujon se découvrait sans cesse ; elle rejetait son drap, et chaque fois que son fils le lui remontait avec une plainte lamentable : « Maman, voyons… » elle faisait, sans ouvrir les yeux, une si pauvre figure, que Grandgoujon avait le cœur gonflé. Il appelait la sœur :

— Tenez-la… C’est ma mère ; je ne peux plus !

Mariette n’ouvrait la bouche que pour geindre sur soi, ou faire des remarques comme celles-ci :

— Faudrait, pourtant, que cette sœur qui ne