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Page:Benjamin - Grandgoujon, 1919.djvu/286

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GRANDGOUJON

En attendant, il rentra chez lui, et, montant l’escalier, il resongea à Madame des Sablons, avec une pointe de dédain et une flamme de désir. Quelle coquette ! Elle était jolie à l’enterrement ; elle s’était vêtue de noir : il avait remarqué l’éclat de ses dents et la blancheur de son cou. Enfin, il n’y avait donc pas moyen de savoir ce qu’elle faisait de ses trente-cinq ans ? Mystère… comme la guerre…

— Avec Colomb, se disait-il, qu’est-ce qui s’est passé ?… Et avec Moquerard ? Alors il n’y a que moi qui aurais été assez tourte ?…

À sa porte, il chercha dans ses poches : pas de clef. Il sonna et… c’est Madame des Sablons qui ouvrit.

— Comment, vous êtes là, Madame ?

— Dame ! dit-elle. Sonniez-vous chez moi dans l’espoir de ne pas me trouver ?

— Sapristi ! Je me suis trompé d’étage. Excusez…

— Je vous excuse et vous garde. Entrez. Vous m’avez fait de la peine aujourd’hui ! Vous savez quelle affection nous vous avons… Entrez.

— Madame, je ne veux pas être un gêneur…

Il reculait, puis entra.

Elle était en tenue d’infirmière, toute blanche : jamais il ne l’avait vue ainsi ; il la trouva irrésistible… Quel art pour se transformer !… Sa blouse en toile fine lui suivait la gorge et les hanches, et on la voyait marcher dans sa robe. Uniforme de charité qui sied aux femmes agréables, car il les déshabille bien. Ce n’est plus un vête-