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Page:Benjamin - Grandgoujon, 1919.djvu/30

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GRANDGOUJON

la vision de la concierge, par la porte vitrée de la loge, suffit à le redresser : il ne mourut pas devant elle… il se pendit à la rampe et atteignit l’entresol ; mais là son cœur se mit à battre la breloque, et il lui sembla que son âme se trémoussait, voulant à tout prix se libérer. Il contint sa poitrine, serra les lèvres, puis, d’un geste éperdu, il sonna à la porte, devant lui.

Une jeune femme, qui avait un chapeau et des fourrures, lui ouvrit, et, simplement il balbutia, roulant des yeux hagards :

— Madame… je meurs !

Puis il s’avança dans l’antichambre où il y avait une banquette de velours, et, d’une voix expirante :

— J’habite au-dessus… Han !… Pas pu monter… Vais finir chez vous…

De son mouchoir il s’épongea, et il avait l’air de respirer par tous ses pores, tellement il tressaillait. La jeune femme parut remplie de stupeur. Elle appela une bonne qui courut chercher des coussins pour caler ce monsieur sur la banquette, mais elle ne savait que dire, et elle le regardait seulement haleter et balancer la tête, comme si, à chaque effort, sa vie s’échappait. Pourtant, il n’avait pas le visage d’un homme à l’agonie et… comme après tout il ne faisait qu’annoncer sa mort… sans mourir, elle se permit de risquer timidement :

— C’est malheureux, Monsieur… que vous ne puissiez pas remonter chez vous.

À ces mots il fit un air terrifié et souffla : « Han !