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Page:Benjamin - Grandgoujon, 1919.djvu/39

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GRANDGOUJON

humilié de son erreur, mais il venait de retrouver une assise pour sa bonne nature, encline à s’attacher. Alors, penchant la tête, il reprit de sa voix la mieux affectueuse :

— Madame… j’ai souvent l’avantage de vous entendre au piano… vous avez un bien beau talent.

C’est là-dessus que le mari rentra. Grandgoujon lui fit cadeau de la fin de son sourire, mais il le trouva plus laid. Il avait bien… trente ans de plus que sa femme. Quels plis sous les yeux !

— N’est-ce pas, cher Monsieur, qu’elle est étonnante au piano, dit cet homme satisfait. De chez vous l’entendez-vous bien ?… Voici la lettre de Colomb. Il m’écrit sur son papier à en-tête : vous le connaissez ?

— Non… Oh ! qu’il est curieux ! Qu’est-ce qu’il y a dessus ?

— Une banderole : « Jusqu’au bout », et, dans un médaillon, deux petites alsaciennes…

— C’est charmant !

— Elles serrent sur leurs cœurs tous les drapeaux de l’Entente.

— Parfait, dit Grandgoujon. Mais il n’y a pas celui des États-Unis.

— Le papier date de l’an dernier.

— Ah ! ah ! fit Grandgoujon, c’est que j’aime les Américains, qui vont hâter les choses !

— N’est-ce pas, Monsieur ? dit la jeune femme. Moi je dis toute la journée : « Vive Washington ! » Je suis une idéaliste.

— Enfin, reprit son mari, Colomb — pas celui