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Page:Benjamin - Grandgoujon, 1919.djvu/5

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GRANDGOUJON




PREMIÈRE PARTIE



Il existe tout un genre d’humains, gros et affectueux, que leurs amis, avec un sourire, appellent : « bons vivants » et qui ne sont, par leur nature, préparés à aucun accident de la vie. La mort les surprend et les navre. Et que la guerre éclate, ils sont désarmés, ayant dit et redit : « N’en parlons pas !… Il sera temps, si un jour… » Le jour est là : il faut le vivre. Alors ils s’affolent, et ils n’ont nul besoin d’être au danger pour se plaindre, car leur cœur est saisi par la misère des autres.

Mais la foule qui leur donnait son indulgence, soudain les couvre de son mépris. Simpliste, elle n’admet pas, la foule, qu’un homme en paix au coin de son feu souffre aussi rudement qu’un soldat dans la boue. Et pourtant, Grandgoujon