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Page:Benjamin - Grandgoujon, 1919.djvu/80

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GRANDGOUJON

— Le front ?

— Dunkerque ! Tout ce qu’est nouveau file à Dunkerque.

— Où t’as chipé ça ?

— Vu la circulaire : ordre de c’matin… sans exception.

Il les poussait, il les sortit, il ferma ; et Quinze-Grammes, qui portait la moitié du saint-frusquin de Grandgoujon, ne put s’empêcher de dire :

— Ah ! vieux singe, te v’là dans la culotte d’un veinard !

Grandgoujon avait de l’égarement :

— Dunkerque ?… bredouilla-t-il, mais c’est bombardé ?

— Sûr c’est pas l’filon, dit Quinze-Grammes. Hier deux cents sont partis, mais à Vichy ; ça, c’est quelque chose : y a des poules. Tandis que Dunkerque… Enfin, on va causer.

Ils ne causèrent pas : l’habillement de Grandgoujon fut trop difficultueux. Tout était si petit qu’il fallut laisser la capote ouverte, distendre le képi, entailler la ceinture, attacher boutons et boutonnières par des épingles. Et Quinze-Grammes conclut :

— C’est malheureux qu’c’est pas l’époque des cerises : tu f’rais bien pour les moineaux.

Puis, ils traversèrent une cour afin d’aller, derrière les écuries, éplucher des pommes.

— Là, fit Quinze-Grammes, on saura si t’embarques pour Dunkerque.

Grandgoujon dit alors avec indignation :