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Page:Benjamin - Grandgoujon, 1919.djvu/95

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GRANDGOUJON

Grandgoujon se tut. Et Quinze-Grammes lui prit le bras :

— Çui qui peut n’pas s’occuper des femmes, l’a des peines en moins… Mais faut pas les voir… Dès qu’on les voit, elles vous englobent… Même Napoléon, un homme qu’était plus qu’un homme, l’était m’né par les femmes. Quand il a quitté la première, l’a été foutu : c’est elle qui f’sait tout.

— Crois-tu ? dit simplement Grandgoujon.

Sur ces mots, un sergent cria :

— Caporal, faites entrer ces bonhommes-là ! Et prenez les noms de ceux qui causent, pour astiquer les escaliers au pétrole, après la visite.

Grandgoujon tourna la tête. Il le désigna :

— Votre nom ?

— Je ne dis rien, bredouilla Grandgoujon.

— Vous parlez encore !

Et il fut inscrit en tête de liste.

Suffoqué, il pénétra dans l’infirmerie. Les hommes défilaient devant un major qui déclarait : « Apte ! Parfait ! Très vigoureux ! » Grand diable en blouse blanche, il avait un ton détaché. Quand ce fut le tour de Grandgoujon :

— Eh ! Eh ! fit-il, c’est rigolo d’être gros comme ça… Allez…

— Apte ? demanda l’infirmier.

— Dame ! reprit le major.

— Oh ! balbutia Grandgoujon, Monsieur le Major… je sue dès que je fais quoi que ce soit.

— Excellent, reprit l’autre, vous éliminez vos toxines.

— Ça me rend faible…