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Page:Benjamin - Le Pacha, paru dans Les Annales politiques et littéraires, 3 et 10 août 1924.djvu/29

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Le Pacha

Mme Hamelin, désespérée. — Nous n’en sortirons pas !

Pierre. — Enfin, je vous en prie, quand est votre train ?

Suzanne. — À sept (heures cinquante-cinq, pour la trentième fois.

Pierre. — Sept heures cinquante-cinq ? Et il est sept heures moins le quart. Et la gare est à deux secondes, et le train a toujours une heure de retard !… Vous vous payez ma tête ! (Il prend une assiette des mains de la bonne.) Merci, Marie. J’ai le temps de dîner trois fois !

Mme Hamelin. — Naturellement, pacha !

Suzanne. — Parce qu’après tu n’as rien à faire !

Mme Hamelin. — Mais nous !

Pierre. — Vous ? Vous avez à vous faire de la bile !… Oh ! puis, écoutez, dans cinq minutes, là, j’aurai mangé, tout mangé… parions ! Mais laissez-moi cinq minutes ! (Mme Hamelin et Suzanne haussent les épaules. Silence. Il reprend peu à peu sa figure souriante.) D’ailleurs, je ne peux pas avaler… (Il se prend le cou.) Ça me serre là.

Mme Hamelin. — Tes sacrifices qui t’étouffent ?

Pierre. — Non…, je n’aime pas les sacrifices humains. Mais… je suis amoureux…

Suzanne, faisant signe à sa mère qu’il ne mange toujours pas. — Nous pouvons parier.

Pierre. — Gare ! Mes explications sont comprises dans les cinq minutes !