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Page:Benjamin - Les plaisirs du hasard, 1922.djvu/128

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LES PLAISIRS DU HASARD

Emmanuel. — Ma fiancée, qui n’a pu venir et m’attend avec impatience…

Le Président. — Prévenu, vous avez entendu la déposition du Docteur ?

Emmanuel. — Oui, Monsieur le Président, c’est un savant.

Le Président. — Le Tribunal ne peut donc plus attacher la moindre importance à vos déclarations.

Emmanuel. — C’est une requête.

L’Huissier. — Silence !

Le Président. — Ne le brusquez pas.

Emmanuel, — Merci… Ma fiancée, qui n’a pu venir, mais à qui vont toutes mes pensées (si je fus un peu distrait, vous en savez la cause), ma fiancée demande que je lui rapporte de l’audience un souvenir photographique. (Il fait son plus aimable sourire) C’est une jeune fille spirituelle et jolie. Vous ne lui refuserez pas cette joie modeste. Ayez, Messieurs, l’obligeance de me regarder sans bouger une seconde.

Le Président, à ses Assesseurs. — Spectacle lamentable ! Monsieur l’Huissier, saisissez-vous de cet appareil… Doucement… sans violence. (À ses Assesseurs) Car, au fond, on ne sait pas ce qu’il y a dedans…

L’Huissier. — Donnez !

Emmanuel. — Pour ma fiancée !… Ma citation porte : « prévenu libre ». Ne le serai-je ni dans mes mots ni dans mes gestes ?

L’Huissier — Donnez !

Le Président. — Laissez-le, s’il résiste.

Emmanuel. — Je ne résiste pas ! Mais