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Page:Benserade - Cléopâtre, 1636.djvu/101

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La Cleopatre

Je la voy du meſme œil qu’un autre voit la vie,
Elle qui ravit tout ne nous prive de rien,
Sa bonté ſeulement nous procure du bien,
1655Et retranche de nous par une adreſse prompte
La partie où s’attache & le mal, & la honte :
Pour la peur d’un Tyran nous courons à ce port,
Nous allons nous ſauver dans les bras de la mort,
Nous fuyons cet Empire à qui tout rend hommage,
1660Qui veut faire de nous ce qu’il fit de Cartage,
Pour qui l’on voit le Ciel, & la terre s’armer,
Les campagnes rougir, & les villes fumer,
Enfin nous fuyons Rome apres cette victoire,
Et nous n’y voulons pas voir mourir noſtre gloire,
1665Nos generoſitez l’empeſchent de perir,
Et nous la conſervons afin d’en acquerir.
D’un thrône ruiné je me baſtis un Temple,
Je gagne dans ma perte, imitez mon exemple,
De crainte que Ceſar ne vous attire à ſoy,
1670Et qu’un Tyran ſur vous ne triomphe de moy :

Montrãt ſon ſceptre.

J’emporte malgré luy cette ſuperbe marque,
Je deſcends de mon thrône au ſéjour de la Parque,
Et quoy que l’inhumain s’efforce de m’oſter
Ma couronne, & mon ſceptre, il n’en fait qu’héeiter :
1675Mes yeux pour le flechir ont employé leurs charmes,