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Page:Benserade - Cléopâtre, 1636.djvu/60

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De Bensseradde.

Que noſtre ſort eſt bas, qu’il ſert d’un triſte exemple,
Et donne peu d’envie à l’œil qui nous contemple !
Qu’une freſle grandeur ſe perd facilement !
Que l’on monte avec peine, & qu’on tombe aiſement !
925Que nous devons haïr l’éclat des diadêmes,
Et que ſes amateurs ſont ennemis d’eux-meſmes !
Que l’heure eſt different d’un Prince, & d’un ſujet,
Et que l’ambition cognoiſt mal ſon objet !
Le Ciel m’aimoit, ma gloire en eſtoit une preuve,
930J’étais femme d’Antoine, & n’en ſuis plus que veuve,
J’avois des qualitez, des titres abſolus,
Je n’ay que le regret de ne les avoir plus,
Et de tous ces grands biens dont le deſtin me prive,
Un ſeul tombeau me reſte, encore y ſuis-je vive.
935O changement funeſte, & digne de pitié !
Reçoy, mon cœur, ces pleurs de ta chère moitié,
Répons à ces baiſers que je donne à ta cendre,
Et reçoy les pourtant, ſi tu ne les peux rendre,
Accepte ces cheveux que je confons aux tiens,
940Je t’en fais un hommage, ils furent tes liens,
Permets que je differe un trépas plein de charmes,
Et que devant mon ſang je répande mes larmes.

Eras.

Que voſtre majeſté modere ſes ennuis,