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Page:Benserade - Cléopâtre, 1636.djvu/65

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La Cleopatre

Je prens ſur le vaincu l’exemple que je ſuy,
1000Et s’il eſt fier, ou doux, Ceſar l’eſt comme luy :
Je ne deſire point d’enſanglanter ma gloire,
Des vaincus à genoux honorent ma victoire,
Mon courage eſt content de la honte qu’ils ont,
Et leur ſang me plaiſt moins à ce fer qu’à leur front.
1005Quand des plus factieux je rends les eſprits calmes,
Ce n’eſt point leur trépas qui me couvre de palmes,
C’eſt leur confuſion à qui je doy ce bien,
Et quand leur front rougit, il couronne le mien.
Vivez, je ſuis fâché qu’Antoine votre maiſtre
1010Ait eſté généreux pour m’empeſcher de l’eſtre,
Ma plus belle vertu perd ſon luſtre en ſa mort,
Son bras deſeſperé le tuant m’a fait tort,
J’euſſe par ſon bonheur chaſtié ſon offence,
Et je plains ſon trépas qui l’oſte à ma clemence,
1015J’euſse été ſatisfait de l’avoir convaincu,
Et le parent m’eût fait oublier le vaincu.
Mais il s’eſt fait mourir avec ſes propres armes,
Sa derniere infortune eſt digne de nos larmes,
Je plains ſon deſeſpoir qui la mis à ce point,
1020Et j’ay pitié de luy parce qu’il n’en eût point.
Levez vous, mes amis, viſitez voſtre Reine,
Elle ſouffre beaucoup, adouciſſez ſa peine,