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Page:Benserade - Cléopâtre, 1636.djvu/91

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La Cleopatre
Cleopatre.

Aidons-nous du ſecours dont les dieux nous obligent,
Et vengeons nous ſur nous de ceux qui nous affligent,
Puis que nous éloignons celuy de qui l’abord
1480Empeſchoit nos deſirs d’aprocher de la mort.
Devant Epaphrodite il falloit un peu feindre,
Et pour eſtre enfin libre il ſe falloit contraindre,
J’ay ſuſpendu mes pleurs, j’ai déguisé mon cœur,
J’ay trahy mon amour, j’ay loüé mon vainqueur,
1485J’ay parlé contre Antoine, afin qu’on me pût croire,
Pour tromper l’ennemy j’ay bleſsé ſa memoire,
Tu ne dois pas Antoine auſsi t’en courroucer,
Parce que je t’aymois il falloit t’offencer,
Avoir moins de triſteſſe, & plus d’indifference,
1490Une ſemblable feinte endort la vigilance
De l’Argus importun que je viens d’éloigner,
Et luy cache mon deuil pour te le témoigner.

Eras.

Puis que Ceſar, Madame, a de ſi fortes armes
Qu’il reſiste à vos yeux auſsi bien qu’à vos larmes,
1495Qu’amour, & la pitié chez luy n’ont point d’autels,
Qu’il ſurmonte les dieux comme il fait les mortels,
Puis qu’il eſt ſi cruel, & que rien ne le touche,
Puis qu’il eſt ſi cruel, & que rien ne le touche, Pour