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Page:Benserade - La Mort d’Achille et la dispute des armes.djvu/85

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LA MORT D’ACHILLE.

Quand pour luy plaire Ajax s’en voudroit départir,
Il feroit l’inſenſé pour ne les pas veſtir,
Comme autrefois charmé de ſa natalle terre
Une feinte fureur l’exempta de la guerre,
Quand ſon eſprit touché d’une ordinaire peur
Fuioit ce qu’il recherche avecque tant d’ardeur :
Il ſera preferable à tant d’autres perſonnes,
Et qui n’en voulut point en aura de ſi bonnes ?
Le merite éclattant ne ſera point cognu ?
Il fuira tout armé, je combatray tout nu ?
Ha que ſi la fureur dont il eut l’ame eſmuë
Euſt eſté veritable, ou qu’elle euſt eſté cruë,
Il nous en ſeroit mieux, nous aurions de l’apuy,
Et nous n’aurions point vu ni ſes crimes, ni luy ;
Tu ſerois avec nous, malheureux Philoctete,
Lemnos ne ſeroit pas ton affreuſe retraitte,
Et tu n’y perdrois point par occupation
Les traits qui ne ſont deubs qu’au deſtin d’Ilion,
C’eſt là que tu languis dans une maladie,
Que tu te plains d’Uliſſe, & de ſa perfidie,
Implorant contre luy le Ciel à ton ſecours ;
(Vœux qui ſeront ouys, ſi les Dieux ne ſont ſours)
Palamede vivroit, ou ſeroit mort ſans crime,
Sans qu’à tort l’avarice euſt taché ſon eſtime.
Il affoiblit ainſi les forces d’un Eſtat,
C’eſt comme on le doit craindre, & c’eſt cõme il combat :