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Page:Bentzon - Yette, histoire d'une jeune créole, 1880.djvu/113

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FORT-DE-FRANCE.

et mauvais gendarme ti bâton. C’est le nom que donnent volontiers les nègres aux agents de la police municipale. À cette insulte, le sergent de ville saisit l’insolent au collet ; mais l’autre, laissant tomber la malle de toute sa hauteur, envoya, d’un coup de tête dans l’estomac, « le gendarme petit bâton » s’asseoir à dix pas. La foule applaudissait, quand soudain un cri se fit entendre : « Mi gendarme grosse botte ! » Puis le silence le plus profond s’établit, et le sergent de ville, qui s’était relevé, arrêta au hasard, sans rencontrer de résistance, les braillards qui se trouvaient sous sa main, en se plaignant d’insulte envers des agents de la force publique. Le portefaix, cependant, avait piqué une tête dans la mer, plongé sous le vapeur et disparu à la première alerte. Ce changement à vue dans l’attitude de chacun avait pour cause l’apparition des buffleteries jaunes, qui, à la Martinique, ont plus de prestige que partout ailleurs. Un vrai gendarme, que les nègres désignent sous le nom de grosses bottes, avait rétabli l’ordre en se montrant ; mais M. de Lorme ne jugea pas à propos de lui conter sa mésaventure, étant bien sûr de retrouver tôt ou tard ses bagages disparus, et en effet ils étaient tous rassemblés à la porte du premier hôtel. Les

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