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Page:Bentzon - Yette, histoire d'une jeune créole, 1880.djvu/165

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LA CLASSE ET LA RÉCRÉATION.

sirop ; puis on la poussa dans une grande pièce où douze fillettes uniformément vêtues de noir étaient occupées à écrire devant une rangée de pupitres. Mlle Agnès, assise à son bureau, sur une estrade, leur expliquait quelque leçon de grammaire. À sa droite, il y avait un globe terrestre ; à gauche, un tableau noir bigarré d’opérations d’arithmétique était accroché au mur. L’œil de Yette se fixa d’abord sur ces deux objets inconnus. Cependant un murmure courait parmi les élèves ; c’étaient des chuchotements, des rires étouffés ; la nouvelle venue excitait au plus haut degré la curiosité générale. Malgré les précautions prises par la directrice pour tenir cette affaire secrète, on racontait déjà qu’elle avait voulu battre quelqu’un au débotté, que la grande glace du salon avait reçu le coup destiné à Mlle Aubry, que la petite créole, en un mot, était une espèce de bête fauve. Plusieurs de ces demoiselles, même, ignorant que les créoles sont des Européens transplantés aux colonies, s’attendaient à voir quelque créature noire et crépue avec un anneau passé dans les narines. La déception fut complète au premier aspect. Yette n’avait d’autre particularité qu’une taille élancée, rare à son âge, et qui rendait d’autant plus inexplicable la pré-