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Page:Bentzon - Yette, histoire d'une jeune créole, 1880.djvu/228

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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

« Qu’est-ce qui le retient donc si longtemps à la Martinique ? répétait Yette.

— Des affaires qui doivent passer avant les questions de sentiment, ma petite, répondait M. Darcey du ton sec et cassant qui donnait à sa bonté même une apparence hargneuse. Avant de quitter un pays pour toujours, on doit mettre en ordre les intérêts qu’on y laisse. Votre fortune à toutes deux serait compromise par trop de précipitation. Il faut liquider, et c’est difficile. De Lorme cherche à vendre ses terres, mais il ne trouve pas d’acquéreurs. Le moment est mal choisi ; une mauvaise année… les récoltes à demi perdues… disette d’argent, en conséquence. »

Il paraît que plusieurs années successives furent également mauvaises, car, en parlant toujours de venir et en écrivant des lettres de plus en plus découragées, M. de Lorme ne put quitter sa plantation. Yette, cependant, l’attendait sans cesse, et cette attente soutenait ses forces. Elle vivait d’espérance dans l’intervalle des paquebots, persuadée toujours que le plus proche lui apporterait la date exacte de l’embarquement des siens. Son idée fixe était de se perfectionner le plus possible pour ce moment-là, et parfois elle pensait en frissonnant presque de crainte :