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Page:Bentzon - Yette, histoire d'une jeune créole, 1880.djvu/282

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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

ignore la valeur précise de l’argent, que le spectacle, le voisinage d’une grande opulence à laquelle on se trouve mêlée par accident. Souvent Yette était obligée de répondre à sa sœur, lorsque celle-ci lui citait l’exemple des Darcey pour la décider à quelque dépense :

« Tu oublies que ce sont mes leçons qui emplissent notre petite bourse, Cora ; la caisse serait vite à sec si je t’écoutais ! »

Et l’étourdie de s’excuser en balbutiant toute confuse, quitte à recommencer le lendemain. Ces insinuations sans cesse répétées finirent par faire réfléchir sérieusement Yette. Quelques semaines après leur installation nouvelle, un soir, à l’heure où les deux sœurs se mettaient au lit d’ordinaire, la sœur aînée prît sur ses genoux, comme elle eût fait d’un petit enfant, Cora qui se coiffait pour la nuit. Depuis quelques jours elle l’avait vue triste et comme ennuyée ; tout franchement elle le lui dit.

« Notre vie te paraît monotone, n’est-ce pas ? ajouta-t-elle. Eh bien ! j’y ai trouvé un remède, ma petite Cora. Écoute-moi jusqu’au bout. Je puis entrer comme gouvernante chez la marquise de Clairfeu, la mère de notre amie Hélène ; j’élèverai ses deux plus jeunes enfants. J’aurai de