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Page:Bentzon - Yette, histoire d'une jeune créole, 1880.djvu/286

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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

sements ; très bonne musicienne elle-même, elle était capable de tout apprécier et d’analyser ses impressions. Yette, qui se bornait à adorer la musique, simplement, restait blottie dans un coin, les yeux à demi clos, croyant entendre vibrer autour d’elle tous les sons si chers qui avaient entouré son heureuse enfance, des sons du Paradis. Elle se sentait enveloppée comme d’un courant d’enthousiasme, de tendresse et de bonté, reposée de son labeur quotidien, enlevée en pleine harmonie, comme elle l’eût été en plein ciel, et ses larmes coulaient sans qu’elle trouvât rien à dire. M. Mayer semblait comprendre ce qui se passait en elle et le bien qu’il lui faisait. Sans attendre de compliment, il s’en allait plus fier et plus heureux qu’il ne l’eût été d’aucun succès, d’aucune ovation. Quand il était parti, Cora disait en battant des mains :

« J’ai quelquefois rêvé de fêtes ! Peut-on en imaginer de plus belles ?… Nous recevons à l’ordinaire un grand artiste qui refuse de se faire entendre chez des duchesses. Il n’y a pas, j’en suis sûre, deux maisons à Paris qui aient des soirées comme les tiennes, Yette ! Quelles magiciennes que les grandes mains de M. Mayer ! Mais n’est-ce pas dommage, ajoutait-elle étourdiment,