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Page:Bentzon - Yette, histoire d'une jeune créole, 1880.djvu/44

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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

— Vous seriez donc d’avis, comme moi, de l’envoyer en France ? interrompit M. de Lorme.

— Assurément.

— Au risque de désoler sa mère ?…

Mme de Lorme, j’en suis persuadé, aime ses enfants pour eux plus encore que pour elle-même. Elle se consolera donc en songeant que sa faiblesse eût étouffé le meilleur des qualités de Yette, et que le seul moyen de réparer le mal qu’elle lui a déjà fait est de se séparer d’elle. Je ne l’accuse pas, remarquez-le bien : ce défaut d’énergie des mères est presque général dans nos colonies ; il résulte probablement de notre climat, qui alanguit toutes les volontés. Le moyen d’être ferme par une température de 40 degrés au-dessus de zéro ! Les Européens qui nous trouvent indolents en parlent à leur aise.

— Vous avez raison de chercher des excuses à ma femme, monsieur le curé, tous les torts sont à moi. C’eût été mon devoir de réagir contre cette mollesse des pays chauds et ces gâteries maternelles. J’ai été négligent.

— Non, trop occupé ailleurs, voilà tout. Tandis que vous travailliez à l’avenir de vos enfants, le présent souffrait un peu. On ne peut tout faire à la fois, et votre tâche était déjà lourde, mon