Page:Bergaigne - La religion védique d’après les hymnes du Rig-Veda.djvu/24

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chefs de famille eût réellement existé, et que l’application qui lui aurait été faite d’un nom du feu, en raison des attributs sacerdotaux qu’il partageait avec lui, eût amené peu à peu dans la légende une confusion plus ou moins complète du prêtre mortel et de son modèle immortel. Quoi qu’il en soit, I’assimilation au feu, ou au Soma, ce feu liquide, soit des ancêtres de la race, soit plus généralement des anciens sacrificateurs, est la forme la plus ordinaire sous laquelle se présente à nous, dans la mythologie védique, l’idee que les hommes ont, comme lui, le ciel pour patrie.

Si maintenant on se demande quelle pouvait être la portée d’un sacrifice conçu comme une imitation des phénomènes célestes, on y reconnaîtra sans doute, sous la forme particulière d’un culte naturaliste, une de ces pratiques consistant à produire en effigie ce qu’on souhaite de voir arriver dans la réalité, pratiques communes à la plupart des peuples primitifs, et persistant même souvent jusque dans un état de civilisation assez avancé, comme celle, par exemple, que notre moyen âge désignait par le nom d’envoûtement. Le sacrifice védique, réglé d’ailleurs sur les heures du jour et sur les saisons de I’année, avait pour objet d’assurer le maintien de l’ordre naturel du monde, soit dans les phénomènes solaires, soit surtout dans les phénomènes météorologiques dont la régularité est moindre, ou meme de hâter la production de ces derniers au gré des vœux de l’homme. En d’autres termes, c’etait un moyen de faire tomber la pluie en réalisant, pour les représentations terrestres des eaux du nuage et de l’éclair, les conditions dans lesquelles celui-ci détermine dans le ciel l’épanchement de celles-là. L’efficacité d’une telle opération était du reste d’autant mieux assurée que, dans la croyance des Aryas védiques, elle ne se réduisait pas à une imitation pure et simple, mais que le sacrifice était accompli au moyen d’éléments empruntés au ciel par des hommes qui y rapportaient eux-mêmes leur origine.

L’idée d’une action directe exercée par le sacrifice sur les phénomènes célestes ressort clairement d’un bon nombre de passages des hymnes. Elle a, ainsi que la croyance à I’origine céleste des instruments du culte, introduit dans la mythologie védique un nouvel ordre de rapports entre les éléments mâles et les éléments femelles qui y sont représentés sous les différentes formes énumérées plus haut. Je veux parler des rapports entre les éléments terrestres et les éléments célestes.