Aller au contenu

Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/118

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

nommé étaient propriétaires. Des statuaires, Alfred Lanson, Étienne Leroux et Aristide Croisy, complétaient le petit phalanstère, l’un des plus amusants que la jeunesse ait jamais donnés au culte des arts plastiques.

Il fallait entendre, dès le matin, les chansons qui s’envolaient des portes, toujours ouvertes, comme l’arôme du café au lait s’évapore d’un bourg normand au premier soleil. Il y avait dans la cour une fontaine où les sculpteurs venaient puiser l’eau nécessaire aux modelages. Ils s’y groupaient comme des chameliers autour d’une oasis, et ils y fumaient leur première pipe en attendant la venue des modèles. Le tableau était biblique. Entre tous les artistes, les statuaires ont toujours été, et seront probablement toujours, les plus pauvres, par conséquent les plus gais. Ils gardent en eux de l’artisan à la fois et du paysan. De leur lutte manuelle avec la matière leur vient progressivement une force dont l’expression est une joie puérile, « de plein air », qui est celle de l’ouvrier endimanché les jours fériés, avec cette différence que leurs facéties ne sont point grossières et s’arrêtent au respect, comme religieux, des choses du « nu » professionnel. Ils ont la chasteté, verbale, au moins, des athlètes. Jamais les « poseuses » ne se sentent gênées chez le sculpteur, elles le sont quelquefois chez le peintre. J’ai souvent eu la sensation que le sculpteur, devant la femme nue, disait sa messe. C’est quand elle se rhabille qu’il s’éveille à la gaudriole, et que l’homme dissipe l’artiste.

Ceux de la « maison Glaize » étaient jeunes encore et leur rendez-vous matinal de canéphores sonnait l’office aux ateliers. Comme celui de Paul Bau-