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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/120

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— Pardon, je n’ai pas inventé que le peuple lui-même a baptisé du nom de « Hôtel des Haricots » la prison ridicule de la Garde nationale.

— Qu’est-ce que ça prouve ?

— Tout.

— Rien.

D’une autre baie, poussée avec fracas, partait un : kiss ! kiss ! de Vestale romaine et une tête césarienne s’y encadrait, les yeux encore cillés de sommeil, qui était celle de Georges Becker.

Adhuc sub judice lis est, décrétait-il dans la langue, avec un geste impérial.

Et, successivement, tous les ateliers s’ouvraient ainsi dans la bonne « maison Glaize », comme la ruche à la lumière. Au dehors, la rue de Vaugirard s’animait des cris divers des petits marchands ambulants. On n’attendait plus que les modèles, éternels soucis des artistes, pour se reprendre à l’œuvre commencée, caressée, rêvée, en qui réside toute allégresse et même toute raison de vivre.

— Et puis, tu sais, Leroux, repartait Aristide en hissant son seau sur l’épaule à la façon ronde-bosse de Nausicaa, Rebecca grecque, on connaît l’homme à ce qu’il mange. Il y a des sculptures qui sentent le chou, comme au moyen âge.

— Et d’autres le navet, comme sous l’Empire.

M. Rude vivait de pommes de terre !

— Et Phidias de fèves ! concluait Étienne en épaulant, lui aussi, son amphore.

Ce débat extraordinaire, et demeuré légendaire chez ceux de mon temps, ne se termina, d’ailleurs, qu’à la mort des deux pétrisseurs de glaise. Étienne Leroux avait fini par déménager pour ne pas y être