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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/148

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bonté divine ! C’est du veau, du simple veau, pour le marengo, aux carottes ! Il faut quatre heures pour que ça cuise !

Alors, nous fûmes consternés, car nous n’avions pas de carottes !

— Avec tout ça, soupirait Georges, vous oubliez de nous dire qui vous êtes, et nous ne songeons plus à vous le demander. Elle est bien bonne.

Elle pencha la tête, réfléchit un moment, et, nous tendant les deux mains :

— Tenez, vous êtes trop gentils, avec vos vingt ans et votre bêtise d’artistes. Je vous emmène tous les deux. Venez.

— Où ?

— Déjeuner à Bécon, chez Suzanne Lagier. La connaissez-vous, Suzanne Lagier ?

— De réputation, une célèbre comédienne ?

— Qui cherche une pièce, avec un beau rôle pour elle, c’est-à-dire pour moi, car je suis cette Suzanne Lagier. C’est Larochelle qui m’a envoyée vous voir.

— Ah ! Madame, que d’excuses.

— Vous m’avez invitée, je vous invite. J’ai là mon tilbury que je conduis moi-même. En route, mes poètes.

Quand nous revînmes de Bécon, le soir, nous avions une commande de drame, en collaboration, mais nous ne trouvâmes plus le veau ; Bistu et Point-et-Virgule se l’étaient partagé, et les patates jonchaient la pelouse, objets de leurs jeux fraternels, autour de l’ancien jet d’eau solitaire.