Aller au contenu

Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/165

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par notre serment, comme aussi, je pense, par la stupidité infinie de sa rivale, Angèle était revenue reprendre les rênes du gouvernement.

Un soir elle eut cette idée géniale et qui ne pouvait venir qu’à elle, « huître toujours ouverte au soleil », de combiner une chasse au capital de Fanny !…

— Voici, proposa-t-elle. Toi, tu es Diane. Tu te sauves à travers la forêt, dans l’atelier. Eux, ces messieurs, sont des Actéons, ce sont des chasseurs de puc…ge. Croisy est ton gros chien fidèle. Il t’aide à te défendre. Moi, je suis Vénus, je sonne de la trompe. Tayaut ! Allez-y !…

Et l’on jouait à ce jeu, borné au jeu lui-même, pendant un an, jusqu’à la médaille d’honneur, — mais on en sortait plutôt brisés, ce dont Angèle était aux anges. D’honnêtes gens, les artistes, vous dis-je !

Dans l’intervalle de ces chasses à blanc, j’avais eu la bonne fortune de décider Émile Augier à poser pour son buste chez Croisy, qui le fit en effet à cette époque. Qu’est-il devenu ? J’avais amené le poète à mon ami, et notre visite avait interrompu la séance de l’Hébé. Fanny, sans savoir qui était, et l’homme illustre qu’était l’auteur de Giboyer, avait compris toutefois à nos paroles que le personnage était considérable. Le lendemain, à ma grande surprise, je la vis arriver chez moi, aux Ternes.

— Je viens vous demander un service, dit-elle. Vous êtes bien avec le gouvernement ?

— Moi ?

— Si, si, j’en suis sûre… Je l’ai vu hier. Ce monsieur décoré, avec son grand nez et ses petits yeux. Il connaît l’Empereur. Il peut faire donner la croix à mon père… itou.