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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/208

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À notre retour de l’exercice, je trouvai chez moi un garde national en fleur dans mon jardin. Il m’y attendait en causant avec Mme Labit, qui lui montrait, à sa forte stupeur, les provisions de bouche emmagasinées dans la toilette.

— Nous n’en avons pas autant au Théâtre-Français ! claironnait-il.

C’était Coquelin.

— Vite, à l’ouvrage, fit-il avec son autorité volubile à laquelle je n’ai jamais su résister ; ils en redemandent.

— Qui, ils, et de quoi ?

— Des vers, pour nos pauvres matinées. As-tu une ode ?

— Comment veux-tu qu’on ait une ode en des jours pareils où l’on marche de tatouille en tatouille, sans arrêt et sans espérance ? Ce n’est pas un Tyrtée qui s’impose, c’est un Jérémie de remparts.

— Sois ce Jérémie de remparts, voilà tout, il me faut quelque chose à dire pour dimanche. Tu seras en bonne compagnie, Mlle Favart récitera Stella, de Victor Hugo. Oust !…

— Je n’ai pas de sujet… Veux-tu le Victorieux ou mort de Ducrot ?

— Non, fichtre ! Je t’ai apporté des journaux. Cherche, trouve, et à samedi matin. Je viendrai prendre ton travail.

— Dis donc ? soulignai-je d’un regard.

— Quoi ?

— Toujours aux mêmes conditions ? Pas de droits d’auteur sur la recette ?

— Et la gloire ? D’ailleurs, tu as des rôties et de la grillade pour six mois.