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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/243

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de rallier les parnassiens à la cause fédérale. Sans l’étui de carton, qui nous gâtait un peu la prédication, nous l’eussions peut-être escorté derrière le drapeau rouge, car nous professions pour lui une admiration très grande. C’était en effet un homme de génie et il sera, au temps prescrit, classé parmi les plus beaux écrivains de la langue. Mais, outre la gaine du képi, symbole de ses ironies coutumières, nous étions encore refroidis par sa légende qui voulait que, héritier direct du dernier grand-maître de Malte, le comte Villiers de l’Isle-Adam fût allé un jour, aux Tuileries, réclamer la couronne de Grèce à Napoléon III et le prier de lui prêter des troupes pour la reconquérir. Cette fumisterie gigantesque, propagée, et inventée peut-être, par Catulle Mendès, discréditait la propagande. Paul Verlaine était beaucoup plus intimidant, étant plus convaincu ; il parlait de trancher des têtes, et je me rappelle qu’entraînant par le bras Anatole France dans la travée du passage Choiseul, il terrifiait ce philosophe de ses hébertismes gesticulatoires.

Oui, cela n’est pas douteux, la Commune fut d’abord, et à l’origine, un soulèvement de l’élite, je n’ose pas dire boulevardier, mais parisien, et il s’en fallut de fort peu qu’elle ne ralliât la bourgeoisie éternellement frondeuse de la ville. Ce qui l’a tuée, c’est le ridicule de quelques proclamations gasconnes et les tartarinades de ses bulletins guerriers ; l’armée versaillaise a massacré nombre de gens qui en riaient encore. On se demande ce qu’il aurait pu advenir si le commandant Rossel, par exemple, était parvenu à coordonner dans sa main experte d’officier supérieur les éléments d’une organisation, offensive