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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/282

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dont les études d’animaux à l’eau-forte sont parmi les belles pièces d’art du dix-neuvième siècle. Il avait suivi, le crayon à la main, toutes les opérations de l’armée de l’Est et il en était revenu enragé contre l’état-major d’incapables qu’il allait retrouver à Versailles, devant Paris. Il s’était fédéré tout de suite, et dès le 18 mars. C’était un petit homme trapu, violent, à tournure lourde de statuaire, qui ne pouvait formuler une pensée sans la saupoudrer du mot sans rime du dernier carré de Waterloo. Sa pauvre petite femme, douce blonde puérile, qui l’adorait, avait fini par se façonner et même se réduire à son verbe.

— Auguste, susurrait-elle d’une voix d’ange, il y ce soir une soupe aux choux qui n’est pas, je te le promets, de la m… !

Par le hasard d’un roulement de service, c’était Lançon qui était de garde à la porte de Saint-Cloud lorsque, le 21 mai, les Versaillais y entrèrent, sur l’indication de M. Ducatel, et réellement par surprise. À la vue du premier uniforme exécré, Lançon saisit son flingot et crie : Aux armes ! Mais impossible de réveiller ses hommes qui, croyant à une mauvaise charge, se retournent sur leurs paillasses. Ah ! les m…deux ! Et de crier, de jurer, rien. Ils rigolent m…dement. Désespéré et pris pour un fou par les troupiers de Mac-Mahon, le peintre s’enfuit, rentre dans son quartier, et tâche de réunir des défenseurs, mais personne ne le croit ou ne l’écoute, et il vient s’abattre, les poings aux yeux, dans son atelier, où sa femme le console.

— Sainte Vierge ! qu’est-ce qu’il y a ? Jamais je ne t’ai vu aussi emm…dé, mon chéri !