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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/286

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verras ça dans vingt-cinq ans, mais n’importe. Le jour où ce polichinelle de Foutriquet emmena à Versailles l’administration entière de la capitale, il fallut pourvoir d’urgence les postes délaissés. Au comité central, on m’offrit la direction d’un bureau télégraphique, celui de l’avenue de la Grande-Armée. J’avais quelques notions du « morse » et j’eus tôt fait de les compléter par l’usage. L’appareil est un peu plus compliqué que le cornet à pistons, mais c’est le même jeu. En vingt-quatre heures, je pouvais y rendre La Marseillaise, d’un doigt !

— Sur le « morse » ? Explique.

— Le bureau télégraphique de l’avenue de la Grande-Armée était d’une importance capitale pour le gouvernement fédéral, attendu que les opérations stratégiques conduites par Dombrowski avaient lieu sur la grande route de Neuilly, du pont à la porte Maillot. Il fallait donc que le général se tînt en communication constante avec l’Hôtel de Ville et le mît au courant des mouvements. Tu sais que cet excellent Polonais n’était pas du tout un imbécile ?

— Comment, n’était ? Est-ce qu’il ne l’est plus ?

— Il vient de se faire tuer à Montmartre, sur une barricade. Donc j’étais, avec mon « morse », comme au centre du champ de bataille. Il m’envoyait d’heure en heure des dépêches pour la place, et j’en gardais les minutes autographes, pour te les donner d’abord, et ensuite parce que c’est le règlement…

— Et Robert Houdin ?

— J’y arrive. Le 21 mai, je venais de déjeuner paisiblement à mon « Duval » et avant de reprendre mon service, j’étais remonté prendre l’air sur l’avenue jusqu’à l’Étoile. J’étais bien étonné de ne pas