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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/293

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l’auteur de Lazare le Pâtre remerciait amicalement le poète-critique d’un article sur son théâtre. Ce Joseph Bouchardy, habile comme un chat à embobiner et désembobiner un peloton de fil dramatique, m’avait toujours exalté par son mépris héroïque du style.

— L’avez-vous donc connu, dis-je au maître en lui remettant la lettre, il vous parle en camarade, et même en « Jeune-France » ?

— Oui, soupira Théo, du temps que j’étais peintre, il était graveur.

Et là-dessus, de sa voix veloutée, dont celle de Mounet-Sully me rend souvent l’écho, il nous entretint des choses et des gens de sa jeunesse.

— Pourquoi n’écrivez-vous pas tout cela, lui dis-je, c’est presque un crime de laisser se perdre de tels documents sur 1830, l’âge triomphal des lettres françaises.

— Oh ! 1830 après 1870, ce qu’on s’en f…oque aujourd’hui ! D’ailleurs, qui me prendrait cette copie-là ? Elle ne serait pas lue par dix personnes. Allons nous coucher.

Le lendemain, vers onze heures, l’excellent Patural, administrateur du Bien Public, sonnait à la porte de la maison de la rue de Longchamp. Conduit par une caravane de chats à la chambre du malade, il restait avec lui une demi-heure et s’en allait, reconduit, d’ailleurs, par la même garde de petits tigres.

Lorsque j’arrivai pour déjeuner, les sœurs du maître m’avisèrent, dès le seuil, qu’il était fort en colère et qu’il m’attendait pour me laver la tête.

— Il a demandé son yatagan, me dit l’une d’elles,