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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/309

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Théophile Gautier ne manquait pas d’amis dévoués pour le lui dire, et s’il les eût, je ne dis pas écoutés, mais compris, il aurait pu s’offrir la ferme en Beauce, car il avait, avant la guerre, gagné force argent avec sa plume. Mais il n’aimait pas la Beauce, voilà tout. L’homme n’est pas parfait, disait Lambert Thiboust.

L’un de ceux qui le poussaient le plus à « réaliser un bas de laine » était Julien Turgan, esprit positif, qui, après avoir été de L’Événement de Victor Hugo, s’était hissé, au coup d’État, à la direction du Moniteur Officiel. Julien Turgan s’était mis en tête de moderniser Albertus. Il rêvait Absalon sans chevelure, poète officiel de l’Empire, comme les Tennyson le sont en Angleterre.

— Si tu veux te laisser faire, lui disait-il, tu auras hôtel, chevaux, voiture, et seras des élus du Grand Livre. J’en fais mon affaire. L’Académie viendra ensuite toute seule, et le Sénat suivra, ainsi que pour l’oncle Beuve.

Et Albertus s’était laissé faire. Il logeait alors rue Rougemont, au centre de Paris, et comme du matin au soir, plus souvent du soir au matin, son appartement ne désemplissait pas de visiteurs, Turgan le convainquit de s’éloigner des boulevards et lui loua, avec promesse de vente, une maison d’apparence au fin fond de Neuilly, sur les bords de la Seine.

— Là, ils te ficheront la paix, d’abord, les voleurs de temps, car venir à Neuilly, c’est un voyage, puis tu te pontifieras dans l’éloignement et le gilet rouge se décolorera peu à peu dans les brumes de la rivière jusqu’à devenir gilet blanc, plastron des hommes considérables.

Et, ce disant, il lui remit son bail, enrichi de la