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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/326

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été dit, trouvé et vu par les Sages du monde antique, il n’accordait à la science que le privilège de retrouver des lois connues et de les classer dans un autre ordre que le leur, voilà tout.

— Les méthodes font les Descartes, me disait-il, et les Descartes font les méthodes. Ni Spinoza, ni Kant n’en savent plus long que Platon ou Pythagore qui, d’ailleurs, ne savaient rien du tout. Gœthe pousse dans Faust le cri de détresse héréditaire. À Guernesey, Victor Hugo faisait tourner des tables. Le charme de Renan, — en voilà un qui est ficelle, — c’est de déclarer, les mains dans les manches, que la nature est impénétrable. On n’y voit rien dans le visible ?… Tu l’as dit !… Et dans l’invisible, donc !… L’autre jour, ton ami Charpentier m’a amené un jeune homme nommé Émile Zola, qui croit avoir inventé l’atavisme. Je l’ai vivement étonné en lui disant qu’Ovide en parle et qu’il est la loi élémentaire du métamorphisme. Il paraît, du reste, qu’il projette d’expulser Balzac de ce pont-aux-ânes.

Cette incertitude de l’origine et des fins de la pauvre bête humaine, qui a été le grand mal des romantiques, n’a jamais lâché son fatalisme. Elle lui avait inspiré, à trente ans, son poème : La Comédie de la Mort. Il en exprima l’anxiété grandissante dans Jettatura, dans Avatar, dans La Morte Amoureuse, et, enfin, dans Spirite, sa dernière œuvre d’haleine. Lorsque je le connus, il en était littéralement obsédé. La terreur de la mort planait sur la petite maison de Neuilly, et la nuit surtout, il en entendait battre les ailes noires aux vitres de sa fenêtre. Alors, Langue de cô s’emparait de la place et, comme elle parvenait seule à l’endormir sur son