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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/356

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Tout le monde était en redingote, ai-je besoin de vous le dire ?

La princesse Mathilde, qui ne recevait que des artistes et des savants, ne détestait rien tant que les conventions de l’étiquette. Elle voulait que l’on se sentît chez elle comme dans un atelier et qu’on y parlât librement de toutes choses sans rien redouter du demi-sceptre où s’emmanchait son pinceau d’aquarelliste. Le vieux peintre Eugène Giraud, qui était son maître, donnait tout de suite le ton aux nouveau-venus par des charges débridées, où se hérissaient les papillotes de la dame d’honneur, Mme de Galbois, vénérable personne de l’ancien temps, aux manières de cour. La joie de scandaliser Mme de Galbois était l’un des plaisirs de Saint-Gratien, et l’on s’y préparait dans les petits coins. Les complots étaient menés à l’envi par le père Giraud et Claudius Popelin, l’émailleur poète, qui y rivalisaient de malice rapinesque. Celle à laquelle la pauvre dame ne pouvait jamais résister était celle qui se reproduisait de semaine en semaine et toujours à la même place, sous les palmiers de la serre.

— Eh bien ! Giraud, disait Popelin en allant à lui, où en est-elle ?

— Ça va, Claudius, elle se culotte !

Et il tirait de la poche de sa veste l’étui de sa chère « Joséphine ».

— Voulez-vous la voir, comtesse ?

Mme de Galbois se levait et s’en allait en battant de l’éventail.

— Mais non, voyons, faisait l’émailleur, c’est un lapsus. Giraud a voulu dire qu’elle se pantalonne !

L’accueil que, sous l’égide du maître, je reçus de