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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/361

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vrir, sous un nom légal, l’accès d’une patrie dont elle se mourait chez les Belges. Que le fait fût vrai ou controuvé, elle n’en restait pas moins la Princesse. Vera incessu patuit dea. Nul être au monde ne laissait autant qu’elle l’impression de grandeur naturelle et de haute race. Démarche, geste, port de tête, voix, regards, tout signait sa lignée. La princesse Mathilde avait toujours l’air de descendre d’un trône.

Si sa ressemblance avec l’Oncle n’était pas aussi saisissante que celle du prince Napoléon, qui la poussait jusqu’au décalque, elle n’en était pas moins évidente, quelque tempérée qu’elle fût par le sourire de la femme. Elle avait, en outre, le génie de la toilette. Les robes où elle se drapait étaient l’admiration constante et la surprise sans cesse renouvelée de son cercle d’artistes. Pas une qui ne fît valoir la splendeur minervale de ses épaules et de ses bras, dont elle était coquette à juste titre, car ils étaient les plus beaux du monde, à cinquante-deux ans encore.

Je tiens de Théophile Gautier que, les soirs de fêtes officielles, aux Tuileries, sous les lustres et les girandoles de feu, elle effaçait le rayonnement même de sa cousine impériale, la splendide Andalouse couronnée, et que les ambassadeurs s’y trompaient. Ces grandes soirées politiques étaient d’ailleurs ses batailles de beauté, car elle détestait l’impératrice, franchement et à voix haute, « bonapartement », disait Eugène Giraud, et elle n’avait plus douce joie que de la vaincre sur le terrain de la représentation.

La fille du roi Jérôme avait dû, en effet, épouser le prince Louis-Napoléon au temps où il battait l’Europe en quête d’une position… royale. Ils s’étaient connus à Florence et il n’avait tenu qu’à un fil, un