Aller au contenu

Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

Auguste Dumont que le seul moyen de turlupiner Villemessant était de lui créer une concurrence sur la place, soit un autre « Figaro », rédigé par les écrivains mêmes qui avaient établi le succès de la feuille, et de reprendre à l’ennemi ce titre de L’Événement sous lequel ils avaient fait leurs premières armes. Il se chargeait de les rallier, quoiqu’il n’en connût aucun à cette époque et ne les eût peut-être jamais vus. Quant à la ligne politique de l’organe, il n’y en avait qu’une, pas d’autre, à adopter — la bonne.

— Quelle est-elle ? avait nasillé le père Dumont, qui vocalisait de l’olfact.

Et Magnier, d’un grand geste statuaire, comme s’il s’était enveloppé du drapeau de la patrie, s’était écrié :

— Celle du Libérateur du Territoire !

La popularité de M. Thiers — pourquoi dit-on « Monsieur » Thiers comme « Monsieur » Scribe ? — était sans rivale dans la bourgeoisie parisienne, et nul n’était plus bourgeois que le nasophone. La promesse du patronage officieux du Président de la République décida de la fondation ou plutôt de la résurrection de L’Événement. Cette promesse, comment Magnier l’eut-il, c’est ce qu’on n’a jamais su puisqu’il n’était encore rien à Paris, n’y représentait absolument rien et n’avait peut-être pas de quoi payer son déjeuner au Duval. Mais il l’eut, vous dis-je, et il aurait eu, s’il l’avait fallu, celle de feu Cuizot, de Philippe-Auguste ou de Téglatphalasar. Le lendemain il était directeur de journal et personnage considérable de la Ville Lumière.

Un après-midi où j’étais allé « faire du bois à la forêt », je rencontrai Charles Monselet devant les