Aller au contenu

Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/173

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

adversaires s’attendaient, l’un chez Lemerre, l’autre chez Calmann-Lévy, où il était passé avec armes et bagages, les éditeurs s’offraient à combattre, les journaux faisaient les kiss-kiss professionnels, et tout cela, disait Coppée, pour un mouvement moldo-valaque où il n’y a que des Suisses, des Belges, des Russes, des Yankees et un Grec en rigolade.

Il va sans dire que tout se calma après les : « viens-y donc » et les : « numérote tes os » échangés comme de la porte Saint-Honoré à la porte Saint-Antoine. On ne se bat pas pour la grammaire française, encore moins pour la prosodie, et le scoliaste de Molière en était précisément aux Femmes savantes. Vint l’Académie qui pacifie tout dans son sein quarantiforme et quand ils s’y retrouvèrent, le symbolisme était feu.

À cette dite Académie, où il dispute à Pierre Loti, né Viaud, le masque lumineux des noms de guerre littéraires, Anatole France se distingue en ceci que, pareil aux Brutus et Cassius de la tragédie, il y étincelle d’absence. Il y joue le rôle de l’immortel honoraire, désintéressé des prix de vertu, des élections, du dictionnaire, sorte de saint Siméon le stylite perché sur sa colonne. C’est un isolé considérable. Je n’ai à apprendre à personne la raison, très fière selon moi, pour laquelle le prince des prosateurs s’est écarté de ce salon d’apprentis dieux. Nous devons le trou qu’il y fait à cette terrible Affaire qui divisa jusqu’à l’élite de la nation. Il ne voulait pas recevoir des fauteuils à la tête, datassent-ils de Richelieu, et fussent-ils du mobilier de Conrart lui-même. Il laisse donc le sien vide et le portier de l’Institut ne le connaît « que de réputation ». C’est du moins